Un maire peut-il refuser aux chasseurs l’accès aux terrains et locaux communaux ?

Le territoire chassable en France représenterait environ 70 % du territoire. Les zones de tranquillité et de sécurité sont de fait plutôt rares. Les chasseurs ont déjà obtenu d’importants cadeaux de la part du législateur (création des ACCA, mise en place d’une infraction d’obstruction à la chasse, réduction du coût du permis de chasser, etc.). Ce n’est pas la peine d’en rajouter !

Ainsi la commune peut décider ou non de mettre à disposition des chasseurs certains locaux communaux, et décider ou non de les laisser chasser sur les terrains dont elle est propriétaire.

Beaucoup de particuliers ont placé leur terrain en refuge ASPAS et ce dans le but d’interdire la chasse chez eux. C’est tout à fait possible de le faire sur tout ou partie du territoire appartenant à la commune. En 2015 par exemple, sous l’impulsion de notre délégué de Meurthe-et-Moselle, la commune de Vandœuvre-lès-Nancy a placé 60 hectares de bois communaux en refuge ASPAS.

Les précisions des juristes…

Les locaux

L’article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations, syndicats ou partis politiques qui en font la demande. / Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l’administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l’ordre public. / Le conseil municipal fixe, en tant que de besoin, la contribution due à raison de cette utilisation. »

Étant donné que les maires ont la gestion des biens communaux, c’est à eux (en réalité au conseil municipal) de décider si oui ou non une ACCA ou société de chasse peut usiter lesdits biens comme des locaux de chasse par exemple.

Les terrains

Comme tout propriétaire, une commune peut décider que ses terrains soient inclus ou exclus du territoire de chasse.

La chasse peut être gérée par une société de chasse ou par une ACCA (Association communale de chasse agréée). Les conditions d’entrée ou de retrait des terrains communaux dans ces entités diffèrent, mais quel que soit le mode de gestion de la chasse, le conseil municipal est soumis aux mêmes conditions que n’importe quel propriétaire.

En effet, s’il s’agit d’une simple société de chasse, l’exclusion se fera sur simple déclaration explicite ; s’il s’agit d’une ACCA, la procédure est plus complexe et la réglementation plus contraignante (voir ci-dessous).

L’exploitation du droit de chasse sur les terrains communaux

Sur les terrains appartenant à la commune, le conseil municipal peut décider de concéder l’exploitation de la chasse sur ceux-ci de plusieurs manières :

– en libre-accès (application de l’article 542 du Code civil) : à titre gratuit
– en accès sous contrôle (respect du droit privé) : à titre gratuit ou onéreux
– en location : il faut alors conclure un bail de droit commun pendant une période donnée

Attention : c’est le conseil municipal qui décide d’accorder ou non le droit de chasser. Le maire ne fait qu’appliquer la décision prise par le conseil municipal. En effet, la permission donnée par un maire ne peut être invoquée comme « autorisation donnée par le propriétaire » (arrêt Cour d’appel de Chambéry 22 décembre 1881).

Le conseil municipal peut décider d’incorporer ou pas les biens communaux à une ACCA (arrêt du Conseil d’État du 12 juin 1998). En outre, « La commune dispose d’un pouvoir discrétionnaire de gérer ses biens relevant de son domaine privé dans les conditions de l’art. L. 2241 CGCT. Il importe peu que l’ACCA n’ait pas reçu d’agrément préfectoral, dès lors qu’une commune peut choisir d’incorporer ses terrains dans le territoire d’une association de chasse de droit privé. » (arrêt de la Cour administrative d’appel de Douai 14 décembre 2006).

Autre principe intéressant posé par la Cour administrative d’appel de Nantes : « La nécessité d’assurer la sécurité des habitants de la commune et des chasseurs en limitant le droit de chasser sur les biens communaux à une seule association de chasse justifie à elle seule qu’il soit dérogé au principe de libre disposition d’un bien communal posé par l’article 542 C.Civ pour un motif d’intérêt général » (Cour administrative d’appel de Nantes 9 octobre 2011 Commune de Tréguennec).

Terrains communaux et associations communales de chasse agréées (ACCA)

Le conseil municipal peut décider que les terrains de la commune ne soient pas intégrés dans le territoire de l’ACCA. Pour ce faire, il doit agir comme n’importe quel propriétaire, au titre de l’article L. 422-10 du code de l’environnement qui dispose :

« L’association communale est constituée sur les terrains autres que ceux :
(…)
5° Ayant fait l’objet de l’opposition de propriétaires, de l’unanimité des copropriétaires indivis qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l’exercice de la chasse sur leurs biens, sans préjudice des conséquences liées à la responsabilité du propriétaire, notamment pour les dégâts qui pourraient être causés par le gibier provenant de ses fonds. »

S’agissant du retrait des biens communaux du territoire de l‘ACCA, « un conseil municipal doit respecter les délais prévus à l’art. L. 422-9 du code de l’environnement pour décider le retrait de l’ensemble des biens communaux et sectionnaux du territoire d’une ACCA » (arrêt du Conseil d’État, 12 juin 1998, Commune de Pomayrols). Il est donc soumis au délai de 5 ans comme tout propriétaire.

Ainsi, le conseil municipal peut décider de placer les terrains privés de la commune en refuge ASPAS puisque la commune dispose d’un pouvoir discrétionnaire de gérer ses biens relevant de son domaine privé dans les conditions de l’article L. 2241 du CGCT.

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