LOUP : Suspension d’un arrêté ordonnant un « tir de prélèvement renforcé » de loups dans le Var pendant la saison 2015-2016

24/09/2015

Le Tribunal administratif de Toulon, dans sa décision n°1503106 du 24 septembre 2015, suspend d’urgence l’arrêté du 6 août 2015 ordonnant le prélèvement de 4 loups pendant 6 mois sur les communes d’Aiguines, Ampus, Bargème, Bargemon, Bauduen, Chateaudouble, Comps-sur-Artuby, La Bastide, La Martre, La Roque-Escapon, Mons, Montferrat, Seillans, Trigance et Vérignon. en considérant que :

Sur la condition d’urgence :
4. Considérant que l’association pour la protection des animaux sauvages, qui a pour objet social la défense des animaux sauvages et l’association FERUS, qui a pour objet social, notamment, de favoriser la réussite du retour naturel du loup et de mener toutes actions favorables à la conservation des grands prédateurs, sont titulaires de l’agrément ministériel prévu par l’article L.142-1 du code de l’environnement; que l’association One Voice, qui est constituée sous le régime de droit local des associations du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle régi par les articles 21 et suivants du code civil local, d’une part, a pour objet social, notamment, de protéger et de défendre les droits à la vie, à la liberté, au bien être et au respect des animaux et d’autre part, s’est dotée de moyens d’action consistant notamment à intenter toute action devant les juridictions, quand l’intérêt des animaux le justifie ; que le loup fait partie des espèces de faune sauvage protégées tant par la convention de Berne du 15 septembre 1979 que par la directive européenne n° 92/43 CEE du 21 mai 1992 dite « Habitats » et par les dispositions de l’article L. 411-1 du code de l’environnement et ses textes d’application ; que la mesure consistant, à titre dérogatoire, à prélever des animaux de l’espèce Canis lupus, dans une zone territoriale définie, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations entendent défendre ; qu’en outre, si la réalité des atteintes à la vie pastorale n’est pas contestée par les associations requérantes, d’une part, en raison du nombre de têtes de bétail tuées, d’autre part, en raison des atteintes aux conditions d’exploitation économique de la filière ovine, l’administration n’établit pas que la pérennité de l’élevage ovin dans le département du Var, qui contribue à la conservation de la biodiversité et à la lutte contre l’incendie, serait compromise par la présence du loup ; qu’enfin, le délai de dix-huit jours qui s’est écoulé entre la publication de l’arrêté en litige et la saisine du juge des référés par les associations requérantes n’apparait pas, dans les circonstances de l’espèce, disproportionné par rapport à la durée d’exécution de l’arrêté qui s’étend sur une période de six mois et alors qu’à la date de la saisine de la juridiction, aucun loup n’avait encore été abattu ; que, dans ces conditions, eu égard à l’ensemble des intérêts en présence, et à l’office du juge des référé, la condition tenant à l’urgence doit en l’espèce être regardée comme remplie ;

Sur l’existence d’un moyen propre à créer en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision :
5. Considérant, en premier lieu, que les dernières statistiques communiquées par l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) au cours de l’été 2015 font état de la présence certaine sur le territoire des communes concernées par l’arrêté préfectoral dont la suspension est demandée de deux meutes regroupant au moins huit loups ; que si le préfet fait à juste titre valoir qu’il s’agit de la plus basse estimation possible, qu’il existerait une troisième meute et que le nombre de prédateurs doit être estimé, compte tenu des naissances intervenues depuis l’année dernière et des individus erratiques, à un chiffre compris entre 20 et 30 loups, cette estimation maximale n’est, en l’état du dossier soumis au juge des référés, pas corroborée par des éléments tangibles et précis ; que, dès lors, compte tenu de l’incertitude affectant le nombre d’animaux réellement présents, du risque de déstabilisation de l’espèce sur le plateau de Canjuers lié au prélèvement de quatre loups prévu par l’arrêté attaqué et qui au demeurant ne peut être justifié par le nombre d’animaux prélevés en 2014, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, parait, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision ;
6. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 27 de l’arrêté interministériel du 30 juin 2015 : « Des tirs de prélèvements renforcés peuvent être autorisés :- s’il est constaté des dommages importants et récurrents d’une année à
l‘autre dans les élevages ayant mis en œuvre les tirs de défense, malgré l’installation, quand cela est possible, de mesures de protection des troupeaux ; et/- dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup. Ces tirs pourront être mis en œuvre dans les conditions de l’article 30 » ; qu’aux termes de l’article 30 du même arrêté : « Sans préjudice des dispositions de l’article 24, les opérations de tirs de prélèvements peuvent être mises en œuvre pour une durée maximale : – d’un mois reconductible pour les opérations déclenchées sur la base des articles 25 à 26 et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup ;/- de six mois pour les opérations déclenchées sur la base de l’article 27, que les troupeaux demeurent exposés ou non au risque de prédation du loup » ;
7. Considérant que l’étude des tableaux statistiques produits par les parties montre la permanence de dommages importants et récurrents d’une année sur l’autre, le nombre de victimes indemnisées sur le territoire des quinze communes concernées s’élevant à 354 au 31 juillet 2013, à 471 au 31 juillet 2014 et à 353 au 31 juillet 2015 ; que cependant et en ce qui concerne la période 2015, 206 des 353 victimes recensées l’ont été sur le territoire des seules communes de Mons et de Seillans ; que les associations requérantes font valoir que ces dommages ont lieu dans des élevages n’ayant pas mis en œuvre les tirs de défense et dans lesquels les mesures de protection étaient insuffisantes ; que le préfet du Var indique d’une manière générale que sur chaque commune, et notamment sur les deux communes durement affectées par la prédation du loup, des mesures de protection ont été mises en œuvre, notamment qu’il a autorisé des tirs de défense ; que cependant, et alors qu’un nombre important d’attaques est très localisé, aucun élément précis et circonstancié ne permet de déterminer si, sur ce territoire limité, des tirs de défenses ont été réellement mis en œuvre par les exploitants ayant bénéficié d’une autorisation de les pratiquer, alors qu’un recensement réalisé par le biais des registres de tirs obligatoires prévus par l’article 22 de l’arrêté du 30 juin 2015 et qui doivent être mis à la disposition des agents chargés des missions de police n’apparait pas impossible, même si aucune communication spontanée de ces registres à l’autorité administrative n’est prévue par les textes ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 27 de l’arrêté interministériel du 30 juin 2015 parait également, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision
; »

 

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