LOUP : Suspension d’un arrêté ordonnant un « tir de prélèvement renforcé » de loups dans le Var pendant la saison 2015-2016

21/12/2015

Le Tribunal administratif de Toulon, dans sa décision n°1504116 du 21 décembre 2015, suspend d’urgence l’arrêté du 19 novembre 2015 ordonnant le prélèvement de 3 loups pendant 6 mois sur les communes d’Aiguines, Ampus, Bargème, Bargemon, Chateaudouble, Comps-sur-Artuby, La Roque-Escapon, Mons, Montferrat, Seillans, Trigance et Vérignon. en considérant que :

« URGENCE :
que le loup fait partie des espèces de faune sauvage protégées tant par la convention de Berne du 19 septembre 1979 que par la directive européenne n°92/43 CEE du 21 mai 1992 dite « Habitats » et par les dispositions des articlesL.411-1 et suivants du code de l’environnement et leurs textes d’application ; que la mesure consistant, à titre dérogatoire, à prélever des animaux de l’espèce Canis lupus, dans une zone territoriale définie, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations entendent défendre ; qu’en outre, si la réalité des atteintes à la vie pastorale n’est pas contestée par les associations requérantes, d’une part, en raison du nombre d’ovins tués, d’autre part, en raison des atteintes aux conditions d’exploitation économique de la filière ovine, le préfet du Var n’établit pas que la pérennité de l’élevage ovin dans le département du Var, qui contribue à la conservation de la biodiversité et à la lutte contre l’incendie, serait compromise par la présence du loup ; qu’enfin une annulation par le juge du fond a posteriori ne permettrait pas de réparer les effets du prélèvement réalisé ; que, dans ces conditions, eu égard à l’ensemble des intérêts en présence, la condition tenant à l’urgence est remplie

DOUTE SERIEUX :
qu’il résulte de son article L. 411-2 que la délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées au 1° de l’article L. 411-1, n’est légale qu’à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ; qu’elles ne doivent permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, que la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens ; qu’il résulte des propres écritures du préfet du Var, page 18 de son mémoire, que séjourneraient sur le périmètre trois meutes « dont il est admis que chacune compte au moins 5 et, au plus, 8 ou 9 individus » ; qu’ainsi, compte tenu de l’incertitude totale affectant le nombre d’animaux réellement présents, du risque de déstabilisation de l’espèce sur le plateau de Canjuers lié au prélèvement de trois loups prévu par l’arrêté attaqué, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, parait, en l’état de l’instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité dudit arrêté ;

6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 27 de l’arrêté interministériel susvisé du 30 juin 2015 : « Des tirs de prélèvements renforcés peuvent être autorisés :- s’il est constaté des dommages importants et récurrents d’une année à l’autre dans les élevages ayant mis en œuvre les tirs de défense, malgré l’installation, quand cela est possible, de mesures de protection des troupeaux ; et/- dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup. Ces tirs pourront être mis en œuvre dans les conditions de l’article 30 » ; qu’aux termes de l’article 30 du même arrêté : « Sans préjudice des dispositions de l’article 24, les opérations de tirs de prélèvements peuvent être mises en œuvre pour une durée maximale : – d’un mois reconductible pour les opérations déclenchées sur la base des articles 25 à 26 et dans la mesure où les troupeaux demeurent dans les conditions où ils sont exposés à la prédation du loup ;/- de six mois pour les opérations déclenchées sur la base de l’article 27, que les troupeaux demeurent exposés ou non au risque de prédation du loup » ; que les dispositions de l’article 27 présentant un caractère cumulatif il est nécessaire, pour entrer dans ses prévisions, de remplir l’ensemble de ses conditions ; qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de la violation des dispositions de cet article 27 parait aussi de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ; »

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